Inhérent et évolutif
Plusieurs artistes débutants se demandent comment « trouver » leur style. À mon avis, chaque artiste porte « son style » en lui. C’est une forme d'expression personnelle et évolutive. Il se développe au fil de nos expériences et de nos apprentissages.
On peut apprendre en peignant à la manière d’un autre artiste, en s’inspirant de ses contemporains, ou en copiant des tableaux de maîtres. Explorer différentes approches et techniques ouvre de nouvelles voies. Toutefois, en travaillant à nos propres œuvres avec authenticité, ce que nous sommes transparait malgré nous.
Cela ne signifie pas que notre style soit stagnant.
Il va certainement évoluer et même se transformer avec le temps.
En s’inspirant d’artistes que l’on admire et en se permettant d’emprunter de nouvelles avenues ou de se départir de certains réflexes, on se permet de progresser. On n’a qu’à feuilleter des livres d’histoire de l’art ou des sites comme Wikiart pour le constater.
Les œuvres de Van Gogh sont très personnelles. On le connaît beaucoup pour ses couleurs vibrantes. Pourtant, ses premiers tableaux représentent des scènes sombres dans lesquelles il témoigne de la rude réalité qu’il côtoie, comme dans Les Mangeurs de pommes de terre (1885). En l’espace de deux années seulement, il s’est métamorphosé en s’installant à Paris et en côtoyant les impressionnistes et les pointillistes. Le portrait Le Père Tanguy (1887), peint en bleus et bruns foncés devant un arrière-plan où les teintes chaudes de jaune, orange et rouge dominent, en est une démonstration évidente.
En 1896, Picasso a peint L’enfant de chœur dans le style très conventionnel et académique que son père lui avait enseigné. Cinq ans plus tard, ayant appris de brillants coloristes comme Monet et Renoir, il créait Danseuse naine (1901) dans une approche totalement différente, plus impressionniste. La même année, il a peint Arlequin dans des tons froids de bleus. On sent l’influence de Gauguin et de Van Gogh, tout en reconnaissant sa propre personnalité. Puis, en 1907, il choque son entourage en présentant Les Demoiselles d’Avignon, considérée par plusieurs comme la « première » peinture du XXe siècle, en réelle rupture avec l’art académique de la Renaissance.
Mimi Parent, artiste québécoise que je considère aujourd’hui comme trop méconnue en son pays, a suivi ses premiers cours de peinture avec Alfred Pellan, en 1944. Elle découvre les œuvres de Matisse, Picasso, Bonnard, entre autres. Cela a stimulé son intérêt pour la couleur et la lumière. Promenade-au-soleil (1946), acquis par le Musée d’art contemporain de Montréal, témoigne de cet apprentissage. Au fil des années, elle a développé un style singulier. Ses œuvres phares sont des tableaux-objets, dans lesquels elle ajoute une troisième dimension à ses toiles colorées. Elles sont composées d’objets assemblés dans des boîtes noires vitrées : J’habite au choc (1955), Le passage du mervillon (1975) et Adieu vieux monde (1991) en sont quelques exemples.
Mes propres années d’initiation
Je n’ai aucune formation artistique académique. Comme toutes jeunes filles de mon époque, j’ai suivi des cours d’art plastique à l’école secondaire. Je rends ici hommage à monsieur Montal et à Margo Desjardins, de l’école secondaire Pierre-Laporte, qui ont semé en moi le désir de développer ma créativité.
Adolescente, pour le plaisir, je m’initiais au dessin en tentant de capter les reflets sur les verres de notre cuisine ou en traçant la forme de mes doigts. Je griffonnais, au crayon ou à l’encre, des illustrations sorties de mon imagination dans des carnets aujourd’hui perdus. C’était parfois un exutoire pour mes trop-pleins émotifs.
L’exercice me transportait dans un univers de sérénité.
Ma première tentative à la peinture ne fut pas concluante ! Amie d’enfance de ma mère, Claudette m’avait prêté son vieux matériel dans une petite boîte-chevalet. Travaillant de mémoire, j’avais couvert le carton toilé aux couleurs d’un paysage champêtre avec un bâtiment fermier. Je trouvais le résultat décevant, plat et sans caractère. C’était probablement une bonne base de départ, mais je n’avais aucune idée de ce que je devais faire pour l’amener plus loin. J’ai donc abandonné.
Dans mes cours d’art au cégep, j’ai eu l’occasion de m’initier au dessin à l’encre de Chine. Un médium que j’ai adopté pendant plusieurs années, créant des œuvres semi-abstraites sur papier. Avec le temps, j’ai poussé l’expérience en ajoutant, des touches d’encre de couleur. Évanaissance est l’un des rares dessins à l’encre que j’ai récupérés de cette époque.
De là, il m'est venu l’idée d’essayer l’aquarelle.
Les premières tentatives étaient toutes aussi ternes que la petite huile réalisée des années plus tôt. Je dirais aujourd’hui qu’il s’agissait d’études « monotones », la plupart réalisées dans différentes tonalités d’une même couleur. Cela donnait du volume à mes dessins.
Dans la trentaine, j’ai recommencé à peindre à l’aquarelle lorsque mes enfants étaient au lit et que mon mari était retenu au travail. C’est à ce moment que j’ai décidé de m’inscrire à des ateliers au centre communautaire. J’y ai appris plusieurs techniques que je n’avais pas réussi à perfectionner malgré tous les magazines spécialisés que je collectionnais alors. Cela a été un tournant important. Je me suis liée d’amitié avec l’artiste qui nous enseignait. Et pendant quelques années par la suite, j’allais peindre chez elle une fois par semaine. On avait convenu d’un échange : je lui enseignais l’anglais, tandis qu’elle continuait à me guider dans mon apprentissage.
Enrichie de cette expérience, la qualité de mes aquarelles s’améliorait. Cela m’a encouragée à persévérer dans mes temps libres.
Du papier à la toile
Vers 2015, j’ai osé m’aventurer ailleurs. Munie de quelques tubes de peinture acrylique et de trois pinceaux, j’ai expérimenté le plaisir de manier un médium plus consistant. Sans odeur et simple à nettoyer, l’acrylique me permettait de travailler sur la table de la cuisine sans souci.
Après avoir brossé quelques cartons toilés, et avoir passé quelques heures à visionner des démonstrations sur YouTube, je me suis procurée des toiles sur cadre de bois. Inspirée par mes propres photos, je reproduisais des scènes dans un style souvent emprunté à d’autres artistes découverts en ligne. Ce n’est pas comme peindre à la manière de « maîtres ». Néanmoins, cela a accéléré mon apprentissage.
Photographe amateur depuis l’adolescence, j’avais déjà un certain sens de la composition. Toutefois, je me frappais à la difficulté de reproduire la subtilité des teintes et des tons que je désirais. Apprendre à mélanger les couleurs est un art ! C’est sans compter la frustration de constater que la peinture acrylique devient plus foncée lorsqu’elle sèche, s’éloignant de l’effet que je cherchais à créer.
Être capable d’autocritique est essentiel pour progresser.
Savoir recevoir les commentaires des autres aussi.
Durant ces années d’apprentissage, les membres de ma famille et mes amis m’ont encouragée avec leurs commentaires constructifs et en m’invitant à créer des tableaux pour eux. Je me disais alors que je devais avoir un minimum de talent.
J’écrivais, plus haut, qu’il faut parfois se défaire de certains réflexes. Le travail à la plume d’encre de Chine m’avait enseigné la patience du détail. Pour réaliser mes premiers tableaux à acrylique, j’utilisais de petits pinceaux, voire de très petits pinceaux. On peut le constater dans Arbres d’octobre. J’ai mis quelques années à me défaire de cette habitude. J’y travaille encore!
Ayant gagné de la confiance en peignant à l’acrylique, je me suis décidée à m’initier à la peinture à l’huile en 2018. Mes enfants adultes ayant quitté la maison, j’ai converti une de leur chambre en bureau-atelier. Comme je l’avais fait avec l’acrylique, j’ai réalisé mon premier tableau à l’huile sur carton toilé, Maison de Grande-Grave (2018). Quelle belle découverte ! Toutes mes craintes se sont dissipées dès le premier coup de pinceaux. Un coup de foudre!
En l’espace de deux ans, mon apprentissage a fait des pas de géants. J’avais plus de temps à consacrer à mon art et je prenais de plus en plus confiance en mes aptitudes. Je commençais à m’affirmer comme peintre « représentative ». Toujours tentée par le menu détail, je pouvais mettre plus de quarante heures pour compléter un tableau. Pont du lac Monroe (2020), en est une démonstration.
L’année 2020 est devenue une année charnière pour moi. La retraite planifiée de ma carrière professionnelle en communication et gestion de changement a été accélérée de quelques semaines par la pandémie de Covid-19. Nos plans de traverser le Canada et les États-Unis en VR cette année-là ont dû être annulés.
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